Historique
Dès l’Antiquité, les historiens mentionnent l’élevage des pigeons en volière sur le pourtour de la Méditerranée et au Moyen Orient. Le plus ancien remonterait au 16ème siècle avant notre ère comme l’attesterait une bractée d’or du trésor de Mycènes, sur laquelle figure un colombier sacré. Une autre représente une déesse nue avec des colombes (Watts).
A cette époque, l’élevage des pigeons avait pour objectif premier, la production d’engrais… C’est lors des Conquêtes de l’Empire Romain et plus tard des Croisades que l’art d’élever des pigeons et de construire des pigeonniers s’est répandu en Europe. En France on ne connait pas d’exemples de colombiers antérieurs au Moyen-âge.
Droit de colombier
A l’époque romaine il n’existe pas de loi réglementant les colombiers. Avant 1312, il semble que tout propriétaire foncier pouvait bâtir un abri pour pigeons. A partir de 1312, en Bretagne, les Coutumes édictent les articles restrictifs qui délimitent les possibilités d’avoir ces privilèges (Auffret). L'ordonnance royale de 1368 hiérarchisa la qualité du prétendant à ces privilèges, ecclésiastique, aristocrate ou plébéien, et en distinguant la classification de la terre, noble ou roturière, soumise ou exemptée d'impositions (Mihière).
Le seigneur haut-justicier qui a censive (ayant redevance sur l'héritage concédé à son vassal ou à un roturier) peut avoir colombier à pied, sans que la quantité en soit limitée.
Le droit de colombier à pied était aussi concédé au seigneur non justicier ayant fief, censive et 50 arpents minimum de terres labourables. Cependant ce colombier devait être bâti sur le fief.
Quant aux particuliers, nobles ou roturiers, qui n'avaient ni fief ni censive, ils ne pouvaient avoir de colombiers, autres que sur solives ou sur piliers, volières ou volets (autrement dit colombier d'étage) et sous réserve d'avoir en domaine au minimum cinquante arpents de terres labourables et que ces édifices ne devaient pas contenir plus de cinq cents boulins (Petit).
En France du Sud, le droit d’avoir des pigeons est accordé à tous ceux qui ont assez de terre autour du pigeonnier pour faire picorer ces oiseaux voraces avec des réglementations limitant la capacité (Poux).
Le droit de colombier n'a malheureusement pas été respecté dans les faits (acquisitions fréquentes par prescription quadragénaire sur les éléments de fiefs divisés, érections par autorisation royale).
Toutes ces usurpations eurent pour conséquence de multiplier de façon tout à fait déraisonnable le nombre de colombiers, nuisibles pourtant à la population des campagnes incapable de s'en protéger. Les paysans étaient contraints de supporter que des volées de centaines de pigeons s'abattent sur leurs champs pour s'y gaver à leurs dépens, étant interdit pour quiconque de tuer, blesser ou attraper des pigeons sous peine de lourdes amendes.
C'est pourquoi la question des colombiers est une de celles qui préoccupent le plus les cahiers de doléances rurales en 1789.
Dans la nuit du 4 août 1789, l’Assemblée nationale proclame l’abolition, et sans indemnité, de tous les droits dits de « féodalité dominante » dont celui de colombier. Le texte ne préconise pas la destruction des colombiers ni la disparition pure et simple du droit. Il le démocratise, chacun pouvant désormais avoir jouissance d'un colombier, s'il le désire ; les pigeonniers se multiplient dans certaines régions. Toutefois, après l'abolition du privilège du droit de colombier l'on put assister à la désaffection des grands colombiers en raison du fait que les pigeons devaient être enfermés à certaines époques jusqu'à huit mois de l’année et l'obligation de les nourrir à l'intérieur du colombier.
Pour plus de détails concernant les droits au colombier voir le chapitre 5 "Les colombiers ou pigeonniers" du livre "de Maitre Germain-Antoine GUYOT "Traités des Fiefs tant pour le Pays coutumier que pour les Pays de droit écrit", Paris 1751. (Lien ci-dessous)
Utilisation
Le développement de l'élevage du pigeon est né de la nécessité de trouver des compléments à une alimentation composée surtout de céréales. En effet, au moyen-âge, la viande était un luxe exceptionnel et n'était consommée que dans de rares et grandes occasions (Auffret).
Nous pouvons nous faire une idée de l'importance de la consommation en pigeons dans les manoirs, quand on sait qu'en 1261 la maison du Roi de France consommait quotidiennement 400 pigeons et celle de la Reine presque autant (Guerville).
La deuxième fonction du colombier et non la moindre était la production de colombine, c'est ainsi qu'on dénomme la fiente des pigeons, qui était très recherchée comme engrais pour les cultures exigeantes telles que celles de la vigne, des jardins potagers ou des vergers. Cette production était une source de revenus qui figurait même sur les contrats de mariage (en Quercy). Pour recueillir ce puissant engrais dans les meilleures conditions, le sol des pigeonniers était souvent pavé et une porte ou une trappe était ménagée à ce niveau.
Jusqu'à la moitié du XIXème siècle le pigeon, en tant que denrée alimentaire et pourvoyeur d’engrais, tenait encore une place importante. En 1878 la consommation annuelle de la ville de Paris en pigeons et pigeonneaux était de l'ordre de 2.000.000 d'unités (Barnabé).
Localisation des pigeonniers
Pour éviter des dégradations sur les toitures, les colombiers sont souvent construits à l’écart de l'habitation principale.
Afin d’être vu de loin, les pigeonniers sont construits de préférence sur une élévation, sur des terrains aussi sec que possible et exposés au levant ou au midi. La lucarne est généralement positionnée à l'abri des vents dominants et orientée à l'est afin de profiter des premiers rayons de soleil.
Répartition
Les pigeonniers sont plus abondants dans les régions céréalières. Le nombre et la répartition des colombiers dépendaient largement de la culture du blé. Rares en Bretagne, contrée plutôt aride, ils abondaient dans la plantureuse Normandie. Il en existe relativement peu dans le centre de la France, mais le Languedoc et le Périgord, par exemple, en possèdent en abondance. La même chose se voyait en Angleterre où les colombiers, fort répandus dans les comtés avoisinant le Pays de Galles et l'Essex, étaient assez rares dans le reste du pays (Watts).
A la fin du 17ème siècle, on dénombrait en France 42000 pigeonniers ou colombiers. Certaines régions, moins perturbées que d'autres par les guerres ou les destructions, ont conservé de nombreux exemplaires alliant l'élégance, le bon goût, le fonctionnel à une architecture vernaculaire (Leron).
Datation
Il est souvent difficile de dater ces bâtiments, les plus anciens colombiers seraient du 14ème siècle. En général les pigeonniers datent des 17ème et 18ème siècles, exceptionnellement du 16ème siècle. Après l’abolition des privilèges, de nombreux pigeonniers seront construits, de ce fait beaucoup de pigeonniers ne datent que du 19ème siècle.
1684 1784 1853 .
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